Trois femmes parmi tant d'autres - Partie 1
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« On ne sait rien de l’admirable activité des femmes, et même les féministes ignorent les trois- quarts de ce qu’ont fait, dans tous les ordres de préoccupations humaines leurs aïeules, leurs mères… ou leurs contemporaines » Marguerite Durand, Fondatrice du Journal « La Fronde » - Le Quotidien - 1931.
A compter de ce 8 MARS 2020 (Journée Internationale des Droits des femmes) Georges Troispoints Metz vous présentera, chaque dimanche, en 6 parties.
« Trois femmes parmi tant d’autres….. »
« Soumise au code des forts et des superbes, on lui impose plus de devoirs et on lui donne moins de droits » ; ainsi s’exprimait Maria Deraismes à propos des femmes le 14.01.1882, jour de son initiation.
On le sait, l’histoire de l’humanité a depuis toujours été marquée d’une discrimination à l’encontre des femmes.
Platon, dans « Timée » l’accusait, « à la différence de l’homme » de porter « en son sein un animal sans âme »….et les religions monothéistes ont emboîté le pas.
Une telle analyse qui a longtemps perduré demeure encore vivace chez certains, maintenant la dépréciation des femmes et leur totale dépendance.
La Franc-maçonnerie naissante n’avait d’ailleurs pas échappé à cet ostracisme.
Alors qu’elle ambitionnait être « le centre de l’union », elle n’eut pas raison des différences de genre, en un temps où la femme était une éternelle mineure sous la tutelle de son père, de son mari et toujours de l’Eglise.
Bossuet (1627-1704) l’avait clairement exprimé (dans son « Catéchisme ») pour justifier la loi salique, en notant que « le peuple de Dieu n’admettait pas à la succession (royale) le sexe né pour obéir ».
Dès lors, on comprend que la lutte des femmes pour obtenir quelques droits soit fort ancienne.
L’histoire de ces luttes en France est celle d’un combat long, opiniâtre au prix des difficultés les plus grandes.
Si tout semble débuter avec la Révolution, nous verrons qu’il n’en est rien, même si l’un des plus illustres doctrinaires de cette Révolution – Condorcet – soutenait en 1788 dans ses « Lettres d’un bourgeois de New Haven » que les femmes devaient être éligibles et élisantes.
De même, croire que tout a commencé avec Marie Gouze ( Olympe de Gouges) et sa « Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne » c’est négliger les femmes « d’engagement » qui l’ont précédée et c’est aussi offrir une présentation réductrice des multiples combats menés par Olympe de Gouges
Il n’en demeure pas moins vrai que la lecture de l’article 1° de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen du 27 Août 1789 était porteuse des plus grands espoirs :
« Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, et au bonheur de tous. En conséquence, l’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être Suprême, les droits suivants de l’homme et du citoyen.
Article premier :
Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »
Mais pour les femmes rien n’a été fait….ou si peu.
Les hommes politiques d’alors ne songeaient pas vraiment à reconnaître et à valoriser la place des femmes au-delà de leur rôle traditionnel d'épouse et de mère sinon en leur reconnaissant quelques droits civils, ce qui fit dire à Gabriel Marie Jean Baptiste Legouvé : « La Révolution a échoué parce qu’elle fut injuste envers les femmes ».
Ainsi la route sera-t-elle longue et ce n'est guère qu'à la fin du XIXe siècle que le mouvement féministe commencera à se structurer et prendre de l’ampleur, affirmant que toute femme doit pouvoir poursuivre la voie qu’elle a choisie, sans entrave ni discrimination et qu’elle doit pouvoir accéder aux libertés fondamentales civiles, sociales et politiques.
On l’aura compris, il s’agit alors de mettre fin à une contradiction née de la révolution française : l’affirmation des principes universels d’égalité et la situation réelle des femmes qui demeurent des citoyens de seconde classe.
Aux côtés d’Hubertine Auclair, Madeleine Pelletier…….s’illustrèrent Louise Michel mais aussi Maria Deraismes, Clémence Royer, Marie Bonnevial, Maria Pognon, Marie Becquet de Vienne qui devaient être les premières initiées de la Franc-maçonnerie mixte Le Droit humain en 1893.
Très vite ce mouvement prit de l’ampleur à partir de multiples publications, journaux et congrès comme il bénéficia, entre autres, du soutien de Victor Hugo, Léon Richer et Georges Martin.
Il s’oppose à la transformation des différences en inégalités sociales et refuse la norme masculine comme « norme de référence et de révérence »
Après des siècles d’exclusion les femmes revendiquent haut et fort l’accession aux champs sociaux, économiques, politiques et culturels.
Il faudra encore de nombreuses années de luttes, de batailles, d'opiniâtreté, entre l'engagement militant de Maria Deraismes (cf.annexe 1) et l'ordonnance du 21 avril 1944 donnant en France le droit de vote aux femmes bien après la Turquie , la Nouvelle Zélande….
Et 20 ans seront encore nécessaires pour que les femmes françaises accèdent à la plénitude de leurs droits civiques le 13 Juillet 1965.
Au fil des ans il y eut bien des femmes aux parcours exemplaires, des femmes de convictions et d’engagement pour ne citer que Louise Michel, Maria Deraismes bien sûr et toutes les anonymes dont les sacrifices obscurs ne seront jamais honorés par la postérité.
Nous voudrions, dans les prochains textes à paraître, en évoquer trois autres : Christine de Pisan, Olympe de Gouges et Marguerite de Navarre.
(Fin de la 1° Partie : à suivre …)
ANNEXE 1 : Chronologie des luttes et acquis féminins
1789 : Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen
1791 : en France, Olympe de Gouges
Rédige la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » pour revendiquer des droits semblables à ceux inscrits dans la déclarations des droits de l'homme et du citoyen. Avant cela, les femmes avaient eu une part active dans la Révolution Française. A partir de 1788, elles adressent des pétitions au gouvernement. Elles participèrent à la prise de la Bastille en 1789 . En 1793, elles ont formé une société des femmes révolutionnaires et d'autres clubs de femmes, ont pris la parole dans des lieux publics ainsi que dans des cercles politiques.
1792 : Pamphlet "féministe" de Mary Wollstonecraft
La femme de lettres britannique Mary Wollstonecraft publie "Vindication of the Rights of Woman" ("Défense des droits de la femme"). Selon elle, les femmes devraient bénéficier d’une éducation semblable à celle de l’homme et devraient pouvoir jouir de la même liberté. Elle épousera William Goldwin et mettra au monde une certaine Mary, connue plus tard sous le nom de Shelley. Mary Wollstonecraft sera considérée comme l’un des précurseurs du mouvement féministe
30 Octobre 1793 : Interdiction des clubs féminins.
Les femmes n'ayant aucun droit politique, la Convention leur interdit de se réunir en club. L'assemblée craint que ces regroupements ne soient des réunions politiques.
21 mars 1804 : Publication du Code Civil
La loi du 30 ventôse an XII instaure le Code civil. Voulu par le Premier Consul Napoléon Bonaparte, ce recueil de textes établit un arsenal juridique unique qui s'applique sur tout le territoire et pour tous les Français. S'inspirant du droit révolutionnaire et du droit romain, le Code Civil consacre les grands principes de la Révolution : liberté de la personne, liberté et sûreté de la propriété, abolition de la féodalité, laïcité, etc. Les femmes ne bénéficient pourtant pas des mêmes droits que les hommes. En effet, l'accent est mis sur leur "incapacité civile" ; incapables légalement, elles sont classées dans la même catégorie que les criminels, les malades mentaux et les enfants.
1869 : Les femmes du Wyoming obtiennent le droit de vote.
Le Wyoming est le premier état américain à autoriser le suffrage féminin. Depuis déjà des années, les Américaines luttaient pour leur droit politique, organisant plusieurs associations pour le suffrage des femmes. Par la suite, plusieurs États américains prendront modèle sur le Wyoming et permettront aux femmes de participer aux élections. Il faudra toutefois attendre 1920 pour que la Constitution américaine soit modifiée et autorise le vote des femmes de manière définitive sur tout le territoire.
Août 1872 : Louise Michel est déportée à Nouméa
Militante française, Louise Michel est condamnée à la déportation pour sa participation à la Commune de Paris. Arrivée en Nouvelle-Calédonie, elle se dévouera à la cause du peuple kanak, luttant pour leur liberté. Elle sera finalement amnistiée en 1880 et retrouvera la capitale française. Avant de rejoindre la Commune, Michel Louise s’était ralliée très tôt à l’opposition républicaine. Elle avait également rejoint la 1° Internationale et, par la même occasion, soutenu l’émancipation féminine.
1876 Hubertine Auclert fonde le premier groupe de suffragettes. Elle est la première à se qualifier de "féministe".
1884 La loi Naquet rétablit le divorce pour faute
27 Novembre 1893 : Droit de vote pour les Néo-Zélandaises
La Nouvelle-Zélande est le premier pays à attribuer le droit de vote aux femmes, et le seul à le faire au XIXème siècle.. Toutefois, les femmes ne seront éligibles qu’à partir de 1919.
1907 France, la loi autorise les femmes mariées à disposer librement de leur salaire.
1908 Premières manifestations en faveur du droit de vote des femmes.
1909 Le port du pantalon n'est plus un délit, si la femme tient par la main un guidon de bicyclette ou un cheval !
1913 Loi sur le repos des femmes pendant les 4 semaines qui suivent un accouchement.
1914 Premières manifestations de rue des suffragettes.
1919 La Chambre des députés accorde aux femmes tous les droits politiques; le Sénat s'y oppose.
1920 La loi accroît la répression de l'avortement et interdit la propagande anticonceptionnelle.
31 Juillet 1920 : L’avortement est interdit en France
La contraception est également passible d’une amende, voire d’une peine de prison. Toute information diffusée sur le sujet peut également aboutir à une pénalité. En 1942, l’avortement sera déclaré "Crime contre l’État". Les femmes y ayant recouru ou l’ayant pratiqué seront condamnées à la peine de mort. Ce sera le cas de Marie-Louise Giraud, guillotinée en 1943. Il faudra attendre 1975 pour que l’interruption volontaire de grossesse (IVG) soit autorisée.
1928 Instauration de l'assurance-maternité avec paiement de la moitié du salaire pendant les 12 semaines qui suivent l'accouchement.
1932 Début d'une campagne contre le travail féminin.
1936 Léon Blum nomme trois femmes au gouvernement. Les députés adoptent pour la 3ème fois le droit de vote des femmes. Le Sénat, à l'instigation d'Edouard Herriot, enterre à nouveau le projet.
1938 : Réforme du Code civil de 1804.
Le code civil accroît la répression de l'avortement et crée une prime à la première naissance. Madeleine Pelletier, la première féministe ayant plaidé pour le droit à l'avortement, est arrêtée, et meurt dans un asile, 6 mois plus tard.
1944 L'ordonnance du 21 avril reconnaît le droit de vote et d'éligibilité des femmes. La loi Marthe Richard ordonne la fermeture des maisons closes.
La France combattante à Alger accorde le droit de vote aux femmes, près d'un siècle après l'adoption du suffrage universel masculin.
La France est l'un des derniers pays d'Europe a avoir accordé le droit de vote et d'éligibilité aux femmes, juste avant l'Italie, la Belgique, la Grèce et la Suisse.
Les femmes useront de ce droit pour la 1ère fois aux élections municipales du 29 avril 1945.
1946 La Constitution de la IVè République reconnaît le principe d'égalité entre hommes et femmes.
1947 L'avocate Germaine Poinsot-Chapuis est la première femme ministre.
1965 Les régimes matrimoniaux sont réformés. La femme est associée à la gestion de la communauté. Le mari ne peut plus s'opposer à l'activité professionnelle de son épouse.
13 Juillet 1965 : La femme est libre de travailler
Une loi est promulguée en France et permet à la femme de travailler sans l’accord de son mari. Elle autorise également les épouses à gérer leurs biens librement. Elles peuvent désormais ouvrir un compte bancaire à leur nom, même contre l'avis de leur mari. En 1938, l’incapacité de la femme mariée, citée dans le Code civil de 1804, avait déjà été supprimée, affaiblissant la domination de l’homme sur son épouse.
1967 La loi Neuwirth autorise la contraception. Elle abroge la loi du 31 juillet 1920 qui interdisait toute contraception. Celle-ci est désormais autorisée mais n'est pas remboursée par la Sécurité sociale. L'avortement restera interdit jusqu'à l'adoption de la loi Veil en 1975.
26 Août 1970 : Le Mouvement de libération des femmes est né.
Les actions de chaque groupe tourneront autour de la protection de la femme, de la lutte pour ses droits et contre la violence, ainsi que pour l’avortement
1971 Manifeste des "343 salopes" déclarant avoir avorté, publié dans le Nouvel Observateur. Le nombre des étudiantes égale celui des étudiants.
1972 Mobilisation féministe lors du procès à Bobigny d'une mineure qui a avorté clandestinement.
1973 Les femmes peuvent faire carrière dans l'armée. Fondation du MLAC (Mouvement de Libération de l'Avortement et de la Contraception).
4 Décembre 1974 : Nouvelle avancée pour la contraception
Une nouvelle loi autorise la délivrance de la pilule contraceptive aux mineures sans l'autorisation de leurs parents. Elle garantie anonymat et gratuité dans les centres de planification familiaux.
Ce nouveau texte vient parfaire la loi Neuwirth du 28 décembre 1967
1974 Création du secrétariat d'Etat à la condition féminine, confié à Françoise Giroud.
17 Janvier 1975 : Vote de la Loi Veil
La ministre de la Santé de Valéry Giscard d'Estaing fait voter son texte autorisant l'avortement en France avec l'appoint des voix de gauche, après un débat houleux. La loi est votée à titre provisoire pour une période de 5 ans.
Elle sera reconduite le 31 décembre 1979.
1975 : "Année de la femme" pour l'ONU.
Loi sur le divorce, qui peut être prononcé par consentement mutuel ou pour rupture de vie commune. Pour la première fois, des prostituées manifestent et occupent une église de Lyon. Fondation de SOS-Femmes Alternative, pour lutter contre les violences masculines dans la famille. Obligation de mixité dans les établissements scolaires publics.
1977 Création du collectif Femmes contre le viol.
1980 La loi considère désormais le viol comme un crime. Marguerite Yourcenar, première femme à entrer à l'Académie française.
1982 Remboursement de l'IVG par la Sécurité sociale. Premier colloque d'études féministes à Toulouse.
1983 La loi Roudy institue l'égalité professionnelle hommes-femmes. En moyenne les salaires féminins restent inférieurs de 30% aux salaires masculins. Début d'une campagne féministe dénonçant les violences sexuelles par inceste.
1986 Une circulaire (comme telle dépourvue de valeur légale) préconise l'emploi du féminin pour les noms de métier.
1989 Une campagne TV annonce que 2 millions d'hommes exercent des violences dans le cadre familial.
1992 Le nouveau code pénal et le code du travail répriment le harcèlement sexuel.
10 novembre 1993 Le Monde publie le « Manifeste des 577 » pour une démocratie paritaire. Début de la campagne pour une loi instaurant la parité hommes/femmes dans les assemblées élues. Avec 5,5% de femmes parlementaires, la France occupe l'avant-dernier rang européen. Création du délit d'entrave à l'IVG.
1999 La loi sur la parité impose aux partis politiques la candidature de 50% de femmes aux élections.
6 Juin 2000 : Loi sur la parité en France
Une loi est votée pour assurer la parité au sein des milieux politiques. Désormais, l'accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives devra concerner autant d'hommes que de femmes. La loi s'applique aux élections municipales, seulement si les communes concernées possèdent plus de 3500 habitants. Elle prend également effet sur les élections régionales, sénatoriales (selon une proportionnalité), et européennes. Quant aux élections législatives, les partis politiques sont obligés de respecter cette loi lors de la présentation des listes électorales, sous peine d'être financièrement pénalisés. En 1995, un Observatoire de la parité avait été créé afin d'étudier les inégalités entre hommes et femmes dans les domaines politique, économique et social.
1 Février 2003 : Naissance de « Ni putes ni soumises »
La "Marche des femmes contre les ghettos et pour l'égalité" s’élance de Vitry-sur-Seine en hommage à Sohane Benziane, 17 ans, brûlée vive quelques mois plus tôt pour s’être affichée avec son petit ami. C’est le point de départ d’une marche qui, après 23 étapes en France, regroupera 30 000 personnes le 8 Mars suivant à Paris. Décidé à briser le silence entourant la condition féminine dans les cités "difficiles", le mouvement dénonce les violences, les "tournantes" ,les atteintes quotidiennes à la liberté.