Georges Troispoints rend hommage à Georges Martin
Georges Troispoints rend hommage à Georges Martin, co-fondateur du Droit Humain (1844 - 1916)
« Je n’ai jamais compris pourquoi ma mère, à qui je dois d’exister, qui m’a élevé, qui a fait mon éducation, à qui je dois d’être ce que je suis, qui avait, à l’époque de ma majorité civile et politique, vingt et une années d’expérience de plus que moi, était mineure alors que j’étais majeur, simplement parce que j’étais un homme.
Ma mère, mise en fait par la loi au même rang que les enfants ou que les hommes qui ont perdu leurs droits à la suite de condamnations infamantes, a toujours été pour moi une raison de révolte contre cette infamie de la loi et d’antipathie pour ceux des autres hommes qui, à mon encontre, trouvent cela tout naturel.
Ce que ma raison réprouve, lorsqu’il s’agit de ma mère, elle le réprouve non moins quand il s’agit de ma femme, de celle que j’ai choisie comme compagne de ma vie, qui partage mes joies, mais aussi mes peines ; elle le réprouve enfin, qu’il s’agisse de ma sœur ou de n’importe quelle femme »
Georges Martin
Marie Hippolyte Georges Martin naît à Paris le 9 mai 1844. Instruit chez les Jésuites, bachelier es-lettres en 1861 puis es-sciences en 1863, il débute des études de médecine qu’il interrompt en 1866 pour rejoindre Guiseppe Garibaldi dans la conquête de la Vénétie.
De retour en France, il terminera ses études à Montpellier puis à Paris où il obtiendra le titre de docteur en médecine en 1870 ; il exercera pendant 10 ans rue Mouffetard.
Il fut le « médecin des pauvres » mais aussi homme d’action. Libéral, républicain engagé, progressiste c‘est un fervent défenseur de la laïcisation de l’éducation et l’émancipation féminine. Élu au Conseil Municipal de Paris dès 1874 il s’implique notamment dans l’assistance aux enfants, aux infirmes, aux personnes âgées et dans la réorganisation des bureaux de bienfaisance.
Président du Conseil Général de la Seine en 1884 il démissionne l’année suivante pour entrer au Sénat.
Après un échec électoral, il quittera Paris, pour se retirer dans sa propriété de Lafarge (Loir-et-Cher) . En 1897, il sera élu au Conseil Général dans son canton de Lamotte Beuvron et réélu jusqu’à sa mort. En raison de son engagement social, il fréquenta de nombreux francs-maçons dont Jules Labbé, Léon Richer et fut initié le 21 mars 1879 à la loge Union et Bienfaisance.
Ardent défenseur de la justice et de l’égalité homme-femme dans tous les domaines, y compris en franc-maçonnerie il œuvre pour l’initiation de Maria Deraismes par la loge « Les Libres Penseurs » du Pecq (Yvelines).
Maria Deraismes fut ainsi initiée le 14 Janvier 1882 et G.Martin salua la détermination de ses frères: « L’avenir appartient aux hommes de progrès, vous êtes de ceux-là, l’avenir est à vous, à la maçonnerie mixte que vous venez de fonder ».
Les loges masculines étant plus que réticentes à l’initiation des femmes, les suites de cette authentique transgression furent houleuses.
Prenant acte de l’impossibilité de faire évoluer les structures maçonniques existantes G.Martin décida, en 1893, de fonder avec Maria Deraismes et quelques SS\qu’il avait initiées, La Grande Loge symbolique écossaise Le Droit Humain qui fut donc mixte dès sa création.
Partant de la mixité, Georges Martin en arriva à l’idée d’un Ordre International avec pour objectif de proclamer LE DROIT HUMAIN sur toute la surface de la Terre et dans toutes les sociétés, afin qu’hommes et femmes puissent « bénéficier, d’une façon égale, de la justice sociale dans une humanité organisée en sociétés libres et fraternelles ».
Après le décès de Maria Deraismes en 1893, Georges Martin consacrera toute son énergie à l’édification de l’obédience qu’il dote de structures stables. Le couple Martin, sans enfant, y consacra également sa fortune vendant tous ses biens pour la construction du bâtiment 5 rue Jules Breton dans le 13e arrondissement de Paris, édifice aujourd’hui "classé" et siège du DROIT HUMAIN INTERNATIONAL.
C’est dans ce bâtiment où quelques pièces lui étaient réservées, que cet « infatigable organisateur et unificateur du jeune DROIT HUMAIN » s’est éteint le 1° Octobre 1916.
Dans un discours prononcé au cimetière St Michel de La Ferté-Saint-Aubin où il repose, Marie Bonnevial lui rendit un hommage auquel nous nous associons :
« Parce qu’il était par excellence l’homme du Devoir, il avait une haute idée du Droit. Tout ce qui froissait le droit et la justice révoltait son esprit sincère. C’est ce sentiment qui nous valut le féministe qu’il était ».
Il s’agissait pour G.Martin et les fondateurs du Droit Humain de mettre fin à une contradiction née de la Révolution française : l’affirmation des principes universels d’égalité et la situation réelle des femmes qui demeuraient des citoyens de seconde classe.
Le chantier reste ouvert.
Ce refus de transformer les différences en inégalités sociales est toujours d’actualité, car rien ne saurait être considéré comme acquis ; il demeure au cœur des préoccupations du Droit Humain dont le but est d’accéder à une société où règnent l’équité sociale et l’égalité des genres.
Bibliographie
Boyau R. : Histoire de la Fédération Française de l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain – A.Jarlet Imprimeur Bordeaux 1976
Grosjean M. : Georges Martin Franc-Maçon de l’Universel. 2 tomes - Detrad – Paris 1988
Le Droit Humain : Hommage à nos aînés. Collectif Comité d’édition Rue J.Breton Paris 13° - 1954
Mayeur J.M., Schweitz A . : Les parlementaires de la Seine sous la Troisième République - vol. 2 - Publications de la Sorbonne, coll. « Histoire de la France aux XIXe et XXe siècles (vol. 55) » - 2001.
Prat A., Loubatière C. : L'ordre maçonnique le Droit Humain – PUF- coll. « Que sais-je ? » (no 3673), 2013
Site du Droit Humain : www.droithumain-france.org